Semis des prairies sous couvert en ACS
La technique du semis de prairie sous couvert vivant
Nous évoquons ici le fait de semer des espèces prairiales, soit en même temps qu’une culture ou un autre couvert, soit directement sous couvert d’une culture déjà en place.
3 périodes d’implantation sont possibles :
- à l’automne, généralement en même temps qu’un méteil,
- en fin d’hiver sous couvert d’une céréale de printemps ou d’hiver,
- au printemps dans une culture d’été tel que le tournesol.
La réussite de cette technique dépend de plusieurs paramètres, tels que le choix des espèces à semer et les modalités d’implantations (densité, profondeur de semis, période d’implantation...).
Semis de prairie à l’automne, sous couvert de méteil ou d’une association céréales – protéagineux
Dates de semis
A la différence des itinéraires classiques, où les prairies sont semées à la fin de l’été, et peuvent être impactées dans leur développement par des conditions sèches, le semis sous couvert à l’automne se réalise en simultané d’une association de céréale d’hiver et protéagineux non gélif type méteil.
Selon les régions et les conditions météorologiques de l’année, la période du semis s’étale de mi- septembre à fin octobre sur sol ressuyé : il s’agit de semer la prairie dans des conditions d’humidité plus favorables.
Il faudra veiller malgré tout à ne pas semer trop tard, au risque que les conditions soient trop humides à l’automne, ce qui remettrait en cause l’installation de la prairie.
Les graminées devront avoir également atteint le stade 4 feuilles et les légumineuses le stade 2 à 3 feuilles trifoliées avant les 1ères gelées.
Choix des espèces
De nombreuses espèces prairiales peuvent être utilisées : fétuque élevée, ray-grass (hybride, anglais, italien), dactyle, trèfle (violet, blanc), luzerne, lotier corniculé. Leur vitesse d’implantation doit être prise en compte dans le choix des espèces et se faire en fonction de l’objectif visé : le ray-grass hybride et le trèfle violet par exemple sont des espèces agressives, à utiliser seulement avec des espèces de culture agressive également.
Si l’objectif est de recharger une prairie abîmée par une attaque de campagnols par exemple, elles auront toute leur place avec en prime une densité de semis plus élevée.
Dans le cadre de son programme régional Pays de la Loire « Implanprairie », ayant permis la mise en place de 2 essais sur le sujet en AB, la Chambre d’Agriculture préconise l’équivalent d’une dose en pure pour toutes les espèces du mélange.
Les semences de fermes sont à privilégier pour limiter les coûts.
En revanche, si l’objectif est de valoriser le méteil en grain, il vaudra mieux privilégier des espèces à l’installation longue.
Côté espèces de l’association, on peut citer l’avoine, le triticale, le seigle fourrager ou forestier, le pois fourrager, la vesce commune ou velue.
Un exemple de mélange : triticale (50 kg/ha), avoine (25 kg/ha), pois fourrager (30 kg/ha) et vesce (30 kg).
Le blé et l’épeautre sont à éviter car ils ne sont pas assez agressifs, et ne se développeraient pas suffisamment à cause de la trop forte compétition à l’eau et à la lumière engendrée par le semis de la prairie.
Conditions d’implantation
Les profondeurs de semis à privilégier pour la culture associée est de 2 à 3 cm, tandis que les graines de la prairie, plus petites, devront être semées en surface, à 1 cm maximum de profondeur.
Elles devront être recouvertes de débris végétaux.
Si le semoir est équipé de deux caissons, un passage de semis suffira (en adaptant la profondeur de semis à la prairie), sinon il faudra prévoir 2 passages : l’association en 1er, puis la prairie ensuite, maximum 24 h après. Il faut s’assurer d’une bonne répartition des graines (éviter le lignage) en croisant par exemple les 2 passages de semis et favoriser ensuite le contact sol – graines grâce au passage d’un rouleau.
L’inconvénient de réaliser 2 passages est l’impact sur le sol, avec un tassement des horizons supérieurs, notamment sur des sols hydromorphes qui sont fragiles.
Le projet « Pepit », mené conjointement en parcelles agriculteurs par la Chambre d’Agriculture du Cantal et le lycée agricole d’Aurillac et en parcelles expérimentales par l’Unité expérimentale Herbipôle de l’INRAE, a mis en évidence les avantages et inconvénients de différents semoirs SD dans le cas de la recharge d’une prairie par une prairie et un méteil : comme il s’agit de casser le feutrage racinaire existant afin de laisser l’opportunité aux nouvelles graines de germer dans un environnement très concurrentiel, les semoirs mono-disques sont peu adaptés, car ils se contentent de « trancher et semer » dans une fine ligne de semis. Les semoirs à dents remplissent plus les conditions attendues, notamment ceux avec un soc en forme de « T » inversé qui creusent un sillon de 3 à 4 cm (brevet Aitchison). La limite de ce type d’outil est la remontée des cailloux. Sur sol caillouteux, il faut donc privilégier les semoirs à disques comme ceux de la marque américaines Great Plains, qui possèdent un disque gaufré creusant un sillon de 2 cm, puis 2 disques semeurs en « V » et un rouleau tasseur.
Dans ce même projet, il est indiqué que le semis d’une prairie sous couvert doit s’effectuer en sol fertile, ou à défaut, épandre 25 m3 de lisier en sortie hiver, afin d’apporter 60 à 80 unités d’azote.
Intérêt de la technique et valorisation de la production
Côté valorisation, il est conseillé de faire une 1ère récolte précoce du fourrage, entre fin avril et dernière décade de mai selon la région.
Cette 1ère récolte sera enrubannée, voire ensilée, et contiendra le méteil immature et la prairie ; la production ainsi obtenue a une meilleure valeur alimentaire. Cela permet aussi un accès rapide de la prairie à la lumière, cette dernière pourra donner plusieurs coupes successives dans la même année par la suite, parfois avec un meilleur rendement et une meilleure pérennité.
On voit là tout l’intérêt du méteil : non seulement il protège la prairie contre le froid et lui permet une meilleure implantation en automne, mais en plus il apporte un bénéfice biologique en améliorant la structure et la porosité du sol, et en améliorant les reliquats azotés de la prairie : celle-ci en profite, et pousse plus vite au printemps.
Le projet Pepit estime un gain de 35% de MS en 1ère coupe grâce au méteil et le résultat de 2 essais menés dans le Cher par la Chambre d’Agriculture dans le cadre de son programme PRDAR « Autonomie Alimentaire » illustre que la production de la prairie ne s’est pas détériorée les années suivantes (comparée à une prairie semée seule selon un itinéraire classique), preuve que le méteil ne gêne pas la mise en place du peuplement de la prairie
La récolte du méteil en grain reste toutefois possible, si le choix des espèces a été fait dans ce sens-là au préalable. Il faut dans ce cas prévoir de laisser sécher la paille plus longtemps avant bottelage (présence de prairie dans la paille).
Les chaumes ne posent généralement pas de soucis d’exploitation en pâturage par la suite, mais en cas de doutes, ils peuvent être plaqués au sol par roulage.
Des essais menés par la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire ont permis d’étudier l’impact sur le rendement des périodes de semis de la prairie dans la céréale associée et du choix du type d’espèces.
Le semis à l’automne apporte une bonne qualité d’implantation de la prairie quelle que soit l’espèce, mais que seul le choix de céréales couvrantes et d’espèces de prairie peu agressives n’a pas toujours d’impact sur le rendement grain de la céréale.
C’est le cas aussi pour des semis en sortie hiver, sauf que dans ce cas, la qualité d’implantation de la prairie est plus variable. Comme cela est suggéré plus haut, un autre avantage du semis de prairie sous couvert est qu’en cas de double caisson dans le semoir, les charges de mécanisation sont réduites. Cette technique a aussi l’avantage de limiter le salissement du fait de la couverture du sol par le méteil durant la phase hivernale de la prairie : avec ses essais, la Chambre d’Agriculture de l’Indre a mesuré au printemps 2% d’adventices dans les prairies semées sous couvert de méteil à l’automne, contre 16% d’adventices pour des prairies semées seules.
Points de vigilance
Si l’association contient de l’avoine, il faut limiter sa quantité à 25 kg/ha pour limiter la concurrence à la lumière lors de l’installation, et à l’eau une fois le méteil récolté en cas de printemps sec.
Afin de maximiser la réussite de la prairie, il faut privilégier les fenêtres de météo les plus précoces possible lors de la récolte.
Enfin, si vous destinez votre prairie à la pâture lors de la 1ère exploitation suite à la récolte du méteil, il faut éviter de mettre dans le mélange de la vesce velue. Cette dernière a une bonne capacité de repousses et elle est toxique en vert.
Cas d’un semis à l’automne d’un méteil dans une luzerne
Durant l’hiver, la luzerne entre en dormance et laisse entrevoir un sol quasiment nu, propice au développement des adventices. Le semis d’un méteil à l’automne permet de couvrir le sol durant l’hiver et de faire de la compétition aux adventices, réduisant ainsi le salissement de la parcelle. Cela permet aussi de limiter l’érosion, de produire du fourrage avant le redémarrage de la luzerne au printemps et de créer une porosité dans le sol favorable à son développement.
Semis de prairie dans une céréale d’automne
Le semis de la prairie s’effectue au stade tallage de la céréale et obligatoirement avant épi 1 cm.
La céréale protège la prairie et évite le salissement.
Cela permet d’anticiper le semis de prairie d’été, et donc de se dégager de cette charge de travail. La prairie est en place plus longtemps, ce qui augmente son potentiel de production.
Même si elle présente ces quelques avantages, les risques sont aussi importants avec, par exemple, les problèmes de rémanence d’herbicide qui impactent la levée ainsi que la prédation par les limaces : la prairie se développant peu à l’ombre de la céréale, la période de sensibilité aux limaces est d’autant plus longue.
On entend souvent parler de la réussite d’une année sur trois ce qui montre le côté aléatoire de ce type de semis.
Semis de prairie sous couvert au printemps
Dates de semis et choix des espèces
Traditionnellement, une prairie est installée au printemps sur sol nu entre le 15 mars et le 15 avril. Pour bénéficier de cette période optimale, il est aussi possible de semer la prairie avec d’autres espèces fourragères ou en simultané d’une culture en rangs écartés : maïs, féverole, tournesol ou encore sorgho.
Les luzernes sont particulièrement adaptées à cette pratique, mais il est également possible de semer des prairies multi-espèces. Enfin, pour ce qui est des céréales, on peut citer l’avoine, l’orge de printemps ou les associations céréales-protéagineux (comme par exemple l’avoine vesce commune, pois fourrager, trèfle d’Alexandrie). Le blé est moins adapté à cette pratique, car il est plus sensible à la concurrence créée par les légumineuses notamment.
D’autres couverts à base de légumineuses comme l’association pois-féverole semblent adaptés au semis sous couvert. En revanche, il est déconseillé d’utiliser des espèces agressives telles que le trèfle violet, qui pénaliseraient trop le développement de la luzerne.
Conditions d’implantation
Dans l’exemple précédent, à dire d’expert, les doses de semis sont les suivantes : 25-30 kg/ha de mélange prairial, et 50 kg d’avoine, 15 kg de vesce commune, 12 kg de pois fourrager, 3 kg de trèfle d’Alexandrie.
De manière générale, la culture annuelle devra être semée moins dense que d’habitude, pour limiter la concurrence à l’eau et la lumière sur la prairie.
Les conditions de semis de la luzerne seule devront aussi être respectées : il faut favoriser les sols drainants et aérés, un pH supérieur à 6.
Une analyse de sol permettra de savoir si un chaulage est nécessaire, ainsi qu’une inoculation.
La densité de semis se situe autour de 20 à 25 kg/ha semée à la volée ou au semoir à disques ou à socs suivi par un roulage pour conserver l’humidité.
Le type de semis dépendra de la culture annuelle et de son stade de développement au moment du semis de la prairie. Pour les semis sous céréales de printemps, 2 passages alternés ou croisés sont nécessaires : le 1 er passage permettra de semer les céréales à 3 cm de profondeur ou l’association de protéagineux à 5 cm, puis un 2ème passage pour implanter la prairie en surface.
Il faudra ensuite rouler. Le mode d’implantation est similaire au semis d’automne sous couvert d’un méteil.
Si la pluviométrie est très importante dans les jours qui suivent le semis : c’est le principal facteur d’échec de cette pratique. En cas de conditions sèches, il faut s’abstenir de semer la prairie.
Pour le tournesol, il est recommandé de choisir une variété semi-précoce ou tardive.
La luzerne se sème à partir du stade 2 paires de feuilles et jusqu’à la limite du passage du tracteur.
Intérêt de la technique et valorisation de la production
Outre sa protection contre les gelées tardives, le couvert met également la prairie à l’abri des chaleurs estivales.
Il y a ainsi un gain de productivité de la jeune prairie l’année de son implantation.
Certains constatent même une plus grande résistance de la luzerne au gel de l’hiver qui suit.
De plus, tout comme le semis sous couvert à l’automne, le salissement est mieux maitrisé de par la couverture du sol. L’érosion est limitée, la vie du sol favorisée.
La structure du sol étant favorisée, une meilleure portance du sol à l’automne peut être constatée, facilitant les récoltes des cultures annuelles de printemps et le pâturage.
D’un point de vue économique, l’agriculteur gagne du temps puisqu’il conduit 2 cultures en simultané et ainsi double sa production pour une même surface la 1ère année : moisson ou ensilage de la culture annuelle, puis 1ère fauche de la prairie à l’automne.
Dans le cadre du projet multi-partenarial sur l’autonomie alimentaire des exploitations laitières en Normandie (projet mené sur des fermes en AB), la Chambre d’Agriculture de Normandie a mené 8 essais entre 2014 et 2017 afin de déterminer les couverts les plus adaptés pour l’implantation d’une prairie, les périodes de semis favorables et les couples « prairies – cultures annuelles » ne gênant pas la récolte de la culture annuelle.
Ces essais ont mis en évidence que l’orge de printemps ou l’association pois + féverole de printemps permettent de sécuriser l’implantation de la prairie, tout en permettant la réussite des 2 cultures (prairie et culture annuelle) en simultané.
En revanche, les semis dans les cultures d’hivers défavorisent souvent l’une des 2 cultures : soit la prairie si c’est un mélange à base de pois + féverole, mélange trop étouffant soit la céréale si le trèfle est trop agressif : ceci montre l’importance de garder l’outil chimique pour pouvoir réguler éventuellement l’une ou l’autre des espèces en particulier pour les cultures de vente.
Ces résultats rejoignent ceux constatés dans le projet Implanprairie des Pays de la Loire.
Références DELHIN T., 2020. Semer sa prairie sous couvert pour une meilleure implantation, Webagri. SCOHY D., 2018. Sous quels couverts semer une prairie temporaire ? Webagri. SCOHY D., 2020. Semis de luzerne sous couvert d'orge ou de tournesol : comment s'y prendre ? Webagri. RAGT Semences, 2020. Semis de prairie sous couvert. FIDOCL CONSEIL ELEVAGE, Prairies temporaires : Implanter sous couvert de céréales RIPOCHE F, 2021. Semis direct dans une prairie vivante - Dans le Cantal, on remet le couvert, BIOFIL N°134. FORTIN J, 2017. Implanter les prairies sous couvert d’une association céréales-protéagineux, Chambre Régionale d’Agriculture des Pays de la Loire. Chambre Agriculture Centre Val-de-Loire, 2020. Semis de prairies sous couvert de méteil.